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« L'agriculture régénératrice sera la voie conventionnelle de demain »

Le 26 février 2024, une table-ronde au Salon de l'agriculture réunissait (de g à d) Sébastien Roumegous (Biosphères), Julien Coignac (Cristal Union), Nicolas Ferrière (Carbonapp) et François Thierart (MyEasyFarm), animé par Marie-Cécile Damave (Agridées).

La structuration des filières et l'implication des industriels stimulent l'amont agricole vers l'agriculture régénératrice. Les enjeux étaient décrytpés lors d'une table-ronde le 26 février 2024 au Salon de l'agriculture.

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« Le secteur privé qui travaille avec des matières premières biosourcées s'est épris du sujet de l'agroécologie et de l'agriculture régénératrice », constate Sébastien Roumegous, fondateur de Biosphères. Les industriels sont en effet contraints, par la réglementation comme la demande du marché, à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, « en moyenne, les deux tiers des émissions d'un groupe industriel sont indirectes (Scope 3) dans la supply chain et viennent principalement des agriculteurs», appuie François Thierart de MyEasyFarm. L'agriculture régénératrice est donc un levier, selon les intervenants.

Produire une valeur environnementale supérieure

Avec Biosphères, structure de conseil aux agriculteurs, Sébastien Roumegous fait le lien entre eux et les industriels pour accompagner la mise en place de cette agriculture régénératrice. Celle-ci consiste à «aligner les pratiques avec le fonctionnement des écosystèmes» et va au-delà du bas carbone, puisqu'elle doit aussi régénérer le cycle de l'eau et la biodiversité, explique Sébastien Roumegous.

Cette agriculture repose notamment sur la production de couverts, la diminution du travail du sol, des TCS vers le semis direct. « Quand on déploie un itinéraire technique, il faut qu'il soit socialement intéressant (pas plus de temps de travail), qu'il dégage de la marge ou ne coûte pas plus et qu'il produise une valeur environnementale plus élevée», détaille-t-il.

Primes filières

« On a besoin de l'aval pour valoriser ces bonnes pratiques, qui peuvent parfois coûter plus cher, et compenser une perte temporaire de rendement», affirme Julien Coignac, coordinateur RSE de Cristal Union.

La coopérative sucrière a lancé cette année une offre commerciale spécifique qui vise à vendre du sucre ou de l'acool issu de filière d'agriculture de régénération, avec l'objectif de reverser une prime filière de 5€/t de betterave directement aux agriculteurs. «Quelques clients se sont engagés cette année. Cela représente quelques dizaines de milliers d'euros à répartir, indique-t-il. On espère faire plus l'année prochaine.»

Pour l'heure, Cristal Union a évalué la moitié de ses adhérents, et près de 1000 d'entre eux répondent aux critères de l'agriculture de régénération. « Il faut arriver à la mesurer, concède Julien Coignac. On est passé sur une logique de rotation pour prendre en compte les effets de cette agriculture de régénération, ce qui complique la tâche car nous vendons du sucre, et pas la rotation de nos agriculteurs.»

La mesure est essentielle pour éviter le greenwashing. « Un client ne voudra pas payer s'il n'y a pas d'indicateurs derrière, souligne-t-il. On est dans un discours de la preuve, et j'espère, dans la voie conventionnelle de demain.»

Manque de définition

L'agriculture régénératrice n'a, à ce jour, pas de définition. « L'Inao ne gère pas un cahier des charges», explique Sébastien Roumegous. Pour lui, ce n'est cependant pas négatif. « Parfois on impose des pratiques qui ne portent pas sur le résultat. Avec l'agriculture régénératrice, on regarde juste le résultat, et quelque soit le moyen, il sera valable. Cela laisse plus de libertés aux producteurs.»

Il estime que cette forme d'agriculture deviendra «structurante». « Les grosses entreprises doivent prouver qu'elles ne nuisent pas à l'environnement. Cela ne pourra pas s'évanouir comme une filière qualité, affirme-t-il. Par ailleurs, elle a un intérêt agronomique et économique, les intrants étant chers.»

« Peu importe comment on l'appelle et sa définition, si elle fait avancer les mentalités, cela veut dire que le chemin a été parcouru», conclut Nicolas Ferrière, cofondateur de Carbonapp.

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